lundi 23 mars 2009

Le prince bleu berbère


Il est apparu au détour d'un chemin particulièrement ombragé de mon existence, comme on en emprunte plusieurs dans une vie. Il nous faut alors traverser ces zones d'ombre, tête baissée, dents serrées, le regard rivé sur les aspérités du sentier, sans oser lever les yeux, de peur que... De peur que les prochaines perspectives ne soient guère plus aisées que les présentes.

Je craignais donc de trébucher, encore et toujours, la confiance en moi m'ayant abandonnée. Comment favoriser la rencontre lorsque l'attention est concentrée sur la ruguosité du sol et non sur le parfum iodé, le goût de sel sur les lèvres, les pousses végétales écloses dans le sable hostile, le bruyant et majestueux chassé-croisé des goélands? C'est pour cela que je ne le vis pas tout de suite, mon esprit enfin reposé s'éveillant à peine et doucement à tout cela.

J'ignorais que ses yeux noirs, pétillants d'une malice enfantine, me scrutaient. Je ne m'apercevais pas que sa peau, adoucie de hammam et d'argan, dorée par le soleil brûlant du désert, me cherchait. Je ne comprenais pas ces mots, gestes et allusions qui m'étaient destinés. Prisonnière des mes désillusions passées, je ne l'ai pas entendu approcher, le prince bleu berbère.

Un instant pourtant (un de ces si rares et courts fragments de vie suspendus pour l'éternité...), j'ai fermé les yeux et laissé choir ma tête vidée sur sa poitrine, bleue du tissu de la djellaba. Ne me parvint même plus, alors, la grouillante vie de la médina, en ces jours de préparatifs de l' Aïd-el-kébir. Doucement, il a poussé la porte de la forteresse et a assiégé mon coeur.

Intimidée, je l'ai suivi dans la soirée des ruelles, vers le couchant d'Essaouira. Et je l'ai quitté dans l'intimité partagée d'une aurore de Marrakech. Effleurements maladroits, balbutiements plein de promesses, une porte qui se referme... Et ensuite? Le jardin de Majorelle accueillit ce lendemain d'étreinte. Je commencai alors, silencieusement, à ordonner les souvenirs neufs et à déjà verser, peut-être, quelques larmes, avec un cruel manque naissant au bord du coeur.

A deux-mille kilomètres, j'ai continué à le suivre, le prince bleu berbère : dans le confort sommaire d'un bivouac, sous la voûte étoilée de Merzouga,... Blottie dans ses bras, je m'endormais... bercée par des proverbes et des promesses de lendemains pleins d'évasion et d'amour simple. Inexorablement, patiemment, j'ai mis mes pas dans les siens, désert après désert.

Mais, malgré mes efforts, il m'a distancée. A-t'il oublié de regarder derrière lui? J'aperçois peut-être encore le point bleu de la djellaba, au loin, à travers un brouillard de larmes kholées, mais pour combien de temps encore?

M'a-t'il oubliée avec la distance qui s'est creusée ou l'ai-je tout simplement rêvé? Le prince bleu berbère a traversé ma vie mais n'en ressortira jamais tout à fait...

3 commentaires:

  1. Magnifique..... tout simplement magnifique.... Que le bleu reste à jamais la couleur de tes rêves et de l'espoir ! N'oublies pas de réouvrir ta fenêtre ! Bisous de plein de chance ! Maury

    RépondreSupprimer
  2. @ Anonyme (Maury) : Merci ma belle ! Je tenais à ce que tu sois la première personne à qui je soumette ce texte. L'écrire m'a fait un bien fou et déjà permis une petite prise de recul. Je n'ai cependant pas l'intention d'avoir comme muse le prince bleu bèrbère pour (trop) d'autres notes. Rassure-toi, tôt ou tard, je réouvrirai ma fenêtre car je ne peux pas vivre sans amour ou sans l'espoir de le voir arriver (que ce soit par le biais d'un tapis volant ou tout autre moyen). Gros bisous et merci pour ton soutien.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour,
    Je viens de lire ce texte avec une drôle d'impression... Il illustre à merveille ma rencontre avec mon prince au turban bleu, il y a un an déjà.
    Je reviens du Maroc, encore éblouie de mille lumières de vie à entretenir jusqu'au prochain voyage...
    Elisa

    RépondreSupprimer